Dark Savior est plus ou moins une suite de Landstalker, l’un des jeux de ma vie paru sur Mégadrive en 1992. Et c’est sur Saturn en 1996 que sort donc cette séquelle qui fait vaguement parti du même univers (rien ne le confirme ni ne l’infirme cependant). C’est donc avec une certaine confiance - et une totale méconnaissance du jeu - que je me lançais récemment dans cette aventure sur l’île du Geôlier. J’étais bien loin d’être prêt pour cette aventure étonnante à plus d’un titre…

Malgré son ancienneté il conserve une certaine allure graphique

BIENVENUE SUR L’ÎLE-PRISON DE VOS RÊVES

Garian est un chasseur de prime qui à l’aide de collègues de la profession à pu capturer Bilan, un horrible monstre ne laissant que cadavre et désolation sur son passage. La créature doit être escortée jusqu’à une île-prison où il sera exécuté par cryogénisation. Le mutant putride étant responsable de la mort d’un de ses amis, Garian souhaite accompagner le prisonnier et assister à son dernier souffle en ce bas monde. Mais alors que le navire spécialement affrété à ce voyage se rend sur l’île du Geôlier, Bilan parvient à découper sa cage et commence à massacrer l’équipage. Garian, en compagnie de Jack son oiseau-administrateur, devra alors rapidement faire des choix cruciaux qui détermineront le futur de son aventure.

Car oui, le premier point étonnant dans ce titre qui n’en manque pas concerne son introduction même, qui en fonction du temps que vous allez mettre à traverser le navire pour atteindre la cabine du Capitaine déterminera quel scénario parmi les 5 disponibles vous allez suivre. Je reviendrai plus en détail sur chacun d’entre eux dans un chapitre qui leur sera consacré pour ne pas trop me disperser. Pour l’heure, présentons plus en détail la jouabilité de Dark Savior, et il y a déjà beaucoup de choses à dire sur ce sujet !

Votre partie dépendra de votre rapidité à parcourir le prologue

Première particularité hérité de Landstalker : la vue en ‘3D isométrique’ (ou à 45°). Alors oui c’est toujours un peu bizarre comme point de vue mais on s’y fait (à peu près). Toutefois ici il y a une subtilité de taille, il est possible de panoter la caméra de quelques degrés pour tenter d’y voir plus clair sur certains passages. Cela aide parfois, mais parfois seulement. Car il est dommage qu’il ne soit pas possible de ‘bloquer’ la dite caméra sur l’angle voulu. Paraît-il qu’avec la manette pourvue d’un analogique (la ronde) il est possible de diriger notre héros tout en faisant pivoter la caméra, ce qui doit être vachement plus pratique pour jouer !


Une certaine latitude est octroyé à l'isométrie...mais pas de quoi pavoiser non plus...

En terme de gameplay, cela induit une drôle de dissonance car la maniabilité n’est pas instinctive. Là où dans Landstalker il fallait diriger Ryle avec les diagonales (qui correspondaient alors avec le sens du petit bonhomme à l’écran), dans Dark Savior il faut bien user de la croix et uniquement la croix (sur manette classique j’entends, donc celle avec laquelle j’ai joué). Sauf que comme l’écran est ‘de travers’, on hésite sur la touche de direction à appuyer. Si notre héros se dirige vers la droite de l’écran, pour que Garian aille à sa gauche, dois-je faire gauche ? Et bien non ! Il faut faire haut (vers le ‘haut de l’écran’). Je vous assure que c’est vraiment contre-intuitif et même après des heures de jeu, lors de phase de plateformes tendues j’hésitai encore sur la touche à appuyer au moment d’effectuer un saut délicat. Fort heureusement le gros du périple nous fait explorer des zones assez calmes, mais alors dès qu’il faut ‘accélérer’ le mouvement c’est à une véritable chorégraphie mentale qu’il faut s’exercer. Et je ne ferai qu’évoquer les quelques passages où il faut jeter des caisses sur des boutons pour ne pas retomber dans la folie qui fut mienne à ses moments là.


Très bel exemple de séquence de plateformes où l'effet de profondeur est plus que piégeux!

Autre sujet de fâcheries, qui est rattaché aux ignobles phases de plateformes, les points de passages placé à chaque fois en début de zones. C'est-à-dire que si vous vous loupez au dernier saut du quatrième tableau de la séquence de plate-forme, vous êtes bon pour repartir DEPUIS LE DÉBUT de la zone…AAAAAARRRGGGHHH !! Ce que je peux avoir horreur de çà !
Et vos échecs coutent cher en plus, car votre assurance-vie (Jack le piaf) vous facture 20 points à chaque fois qu’il vous sauve les miches. Et les points on en à pas des masses… J’explique le compliqué système de points là aussi plus bas.
Pour ce qui est du système de sauvegarde il est assez commun. Représenté sous la forme d’un autre oiseau-administrateur de l’Agence de chasseur de prime baptisé Kaiser, ce dernier est disponible à des emplacements fixes de l’île. Cependant il manque clairement une sauvegarde rapide pour que le jeu devienne véritablement agréable à parcourir…

DE LA BASTON EN 3,5D

Passons au système de combat - toujours en 3D isométrique - mais qui adopte le principe du jeu de baston classique. Face à votre adversaire, vous devez réduire ses deux barres de vie à néant (en 2 rounds) pour le terrasser. Pour cela vous avez à votre disposition tout un catalogue de coups (court, moyen, rapide, chargé, défensif), la course et le saut. Une fois votre barre d’énergie remplie vous avez la possibilité d’effectuer votre ‘mouvement spécial’ (votre ‘Ultra’) qui inflige grave dégâts à l’opposant. Très efficace mais pas évident à placer. Sachant que les mêmes attaques garnissent le catalogue adverse. Généralement on s’en sort sans trop de casse lors des affrontements mais certains se révèlent particulièrement retors et compliqués (les chiens de la prison, bon sang la tannée qu’ils m’ont mise !).


Bim! Paf! Boom !! Les combats s'inspirent du genre dit 'de baston'

Mais là ou le jeu fait fort c’est qu’il propose rien de moins que de pouvoir capturer ses adversaires pour les faire combattre à notre place lors des affrontements suivants ! Ainsi donc vous pouvez avoir une véritable petite troupe à votre disposition pour vous aidez lors des phases de combats. Bon après il faut un certain coup de main pour arriver à les capturer (je n’y suis jamais arrivé…) et surtout - surtout -  vous ne contrôlez pas le quidam lors du combat et si ce dernier vient à perdre, c’est la fin de partie pour vous ! Un système assez périlleux à mon humble avis mais qui à le mérite d’exister.

TOUT VIENT À POINT À QUI SAIT ATTENDRE

Voilà un système de jeu pas courant basé sur un système de point qui va déterminer peu ou prou tout les aspects du gameplay. Qu’il s’agisse comme évoqué plus haut du coût du coup de main de Jack quand on se loupe, ou bien pour augmenter son niveau et ses capacités. Vous pourrez également esquiver une confrontation avec un assaillant en dépensant ces fameux points. Concrètement cela signifie que vous n’avez pas de barre de vie dans le mode ‘exploration’, juste un nombre de points. Quand vous chutez – Hop ! – Jack vous ramène en début de zone et vous prends 20 points. Quand vous n’avez pas de quoi le payer – Zou ! – c’est le Game Over.


Contrairement à ce que montre cette capture d'écran qui pourrait induire en erreur, il n'y a pas de barre de vie dans le jeu. Sauf durant les phases de baston.

Ces fameux points on les gagne lors des combats ou bien en collectant des objets ‘de troc’ et en les échangeant avec le dernier des oiseaux de l’Agence, Regina. Mais il ne s’agit pas de la seule utilité de ces objets. Ils peuvent aussi servir pour obtenir des informations ou des items utiles de la part des prisonniers. Mais quoi qu’il en soit ils n’augmentent pas vite… alors avant d’avoir un Garian avec ses statistiques à fond vous pourrez y aller, croyez moi !


En l'absence de supérette dans le coin, tout passe par le troc...

Les dits objets divergent en fonction des versions internationales du jeu (un peu comme dans Landstalker). Les tablettes de chocolat par chez nous sont en fait des paquets de cigarettes dans leur statut d’origine nippone, les bouteilles d’alcool deviennent des bouteilles vides (Garian doit avoir la descente facile dans nos contrées) et les magazines…restent des magazines mais on devine que le contenu à du s’édulcorer dans la traduction…


Tadaa ! Vous dégotez une tablette de chocolat (ou un paquet de cigarettes). Les plus malicieux opteront pour des cigarettes en chocolat.

MESSAGE IMPORTANT: je vais maintenant évoquer tout un pan du scénario qui pourra divulgâcher les potentiels futurs joueurs de ce jeu et réduire à néant l’effet de surprise que ces révélations apportent. Si vous ne voulez pas connaître le fin mot de l’histoire, ne poursuivez pas plus avant votre lecture (ou sautez directement à la conclusion). Vous voilà prévenu !

HISTOIRE(S) PARALLÈLE(S)

J’en reviens donc à mon introduction et ses diverses options ‘temporelles’. De fait toute l’aventure sera déterminé en fonction du temps que vous mettrez pour rejoindre la cabine du Capitaine lors du prologue (+ une option en fonction de si vous gagnez ou perdez un combat). Ces différentes ‘options’ sont nommés ‘Parallel ’ et sont au nombre de 5 (Parallel I, II, III IV et V). Ci-dessous je vais définir le moyen d’accéder à ces différents Parallel et résumer à grands traits les différents scénarios que cela débloque. Puis je reviendrai sur le schéma global de cette histoire à tiroir.

PARALLEL I : The Hunt For Evil

Si vous mettez plus de 4 minutes 30 pour arriver à la cabine du Capitaine, Bilan aura massacré le dit Capitaine et s’enfuira alors de lui-même vers l’île. Garian tentera alors durant toute l’aventure de rattraper le monstre qui causera un véritable bain de sang dans la prison. On ne fera que croiser le personnage féminin qui chutera dans le laboratoire et au bout du compte on affrontera Bilan en tant que boss final. Ce Parallel est plutôt axé sur de la plate-forme.


Soit vous ne parvenez pas à la sauver...

PARALLEL II : A Hunt for the Heart

Si vous parvenez à la cabine entre 3min30 et 4min29, vous affronterez Bilan directement dès le début du jeu. Une fois vaincu vous vous rendez compte que le monstre parasite n’était nulle autre que votre frère Luke alors bien mal en point. Il est alors mené en convalescence à l’infirmerie du port, et Garian décide de percer les mystères de l’île (et de Bilan) pour sauver son frangin. On fera pleinement la rencontre de Kay, on découvrira les différents châteaux de manière bien plus complète et Drizzit l’homme-dragon passera de personnage secondaire à Boss Mutant final. Ce Parallel se concentre plus sur les combats sauf en fin de scénario où vous devrez traversez la pire zone de plateformes du titre (un passage à devenir dingue !).


...soit vous devrez la (sup)portez

PARALLEL III : A Hunt for the Lies

Le scénario le plus court. Il faut parvenir à la cabine avant 3min30 et empêcher Bilan d’y entrer. Ce dernier sautera alors par-dessus bord pour rejoindre l’île (encore et toujours) en compagnie du sous-marin de Kay. Il abordera alors à un autre point de l’île et nous le devancerons de loin. Avec le directeur nous rejoindrons alors très vite le centre de cryogénisation pour contrer la rébellion des prisonniers (parce que oui en plus de tout le reste il y a différentes factions de prisonniers qui fomentent une insurrection). S’en suit un combat contre le meneur des belligérants avant de tomber sur une drôle de vision : un Garian Congelé de la veille ! C’est sur ce Climax (Ha Ha!) que se termine ce parallel.


Votre arrivée sur l'île est toujours savamment accueillie

PARALLEL IV : A Hunt for the Truth

Ce parallel suit en fait le III et reprends donc quand Garian découvre son double congelé qui se met à disparaitre sous ses yeux. Pendant ce temps-là, ses collègues restés sur le continent on prit connaissance de l’accident du navire et ils décident de venir sur la prison pour retrouver et aider Garian. C’est le parallel le plus étrange, le plus difficile et le plus tortueux. Il consiste en fait à devoir refaire l’ensemble des  quatre châteaux à rebours (du plus difficile au plus simple) en moins d’une heure, tout en ‘voyageant’ à travers les autres scénarios et en affrontant quasiment tout ceux que l’on croise. Je n’ai pas fait cette intrigue, bien trop compliquée pour moi à bien des niveaux. C’est pourtant dans celui-ci que tous les nœuds de l’intrigue se dévoilent, y compris le fameux Dark Savior du titre.

Pour les curieux un expert qui enchaine les Parallel III et IV. Du grand Art! (version japonaise)

PARALLEL V : Marathon of Death

Un dérivé du II où au lieu de vaincre Bilan dans la cabine du Capitaine vous échouez et vous retrouvez donc au Purgatoire… qui se révèle être une arène de combat ! Le gagnant gagne le droit de revenir à la vie, rien de moins. Alors là pas de scénario, on se retrouve purement et simplement dans un jeu de baston en mode ‘Survival’. En effet le but sera d’enchainer 10 combats sans perdre alors que vous n’aurez que vos deux barres de vie de base. J’ai réussi à tenir jusqu’au cinquième, et je n’ai pas retenté. Si on arrive au bout on débloque la seule cinématique 3D du jeu (qui ne raconte rien de spécial et n’a aucun rapport avec l’intrigue) mais aussi et surtout un mode 2 joueurs pour ce fameux mode de combat ! Ça j’avoue que j’aurai bien voulu essayer ! Mode pas évident mais qui reste je pense le moyen le plus ‘simple’ pour engranger un max de points le plus rapidement possible en enchainant ce parallel plusieurs fois.

La seule cinématique 3D du jeu...qui n'a aucun rapport avec l'histoire de celui-ci!

Résumé très succinct de l’ensemble de ces scénarios parallèles, qui instaure un coté Science-Fiction totalement inattendu à Dark Savior. Car oui il s’agit bien de ‘mondes parallèles’ dont il est question ici, et même d’une boucle temporelle. Chaque début de partie - y compris la première - étant en fait une nouvelle boucle qui commence. J’en veux pour preuve la fameuse fleur bleue que le héros découvre dans son carnet à son réveil…et qui provient en fait d’un cadeau que lui fait Kay à la fin du Parallel II. Dark Savior est donc une boucle temporelle qui ne dit pas son nom, et qui au cours de ses cinq scénarios différents distille des indices sur une histoire plus large et autrement plus complexe. L’avantage c’est que vous pouvez enchainer les parallel ‘facile’ grâce à la sauvegarde de fin de partie et ainsi donc augmenter Garian pour les parallel plus difficile (une étoile apparaît sur l’écran de sauvegarde avec chaque parallel terminé).
En dehors de cela, il est assez marrant de noter les différences d’un scénario à l’autre, de voir parfois les événements depuis l’autre coté du comptoir et de se rendre compte qu’en fait un type se balade d’un univers à un autre depuis le début pour vous mettre des bâtons dans les roues sans que vous n’en sachiez rien jusqu’au Parallel IV !

Je rajoute ici quelques autres détails scénaristiques qui renforceront l’intrigue globale, comme le directeur un peu fêlé et tyrannique qui mène des expériences sur les prisonniers (l’action du jeu se déroule d’ailleurs le jour de son anniversaire). Les villes souterraines dirigées par les factions dissidentes de prisonniers qui en plus de vouloir faire la révolution se battent entre elles pour des notions de pouvoir plus que relatifs. Une surprenante trafiquante d’armes dont je n’ai pas compris l’utilité (comme le puits d’ailleurs qui visiblement ne sert à rien…). J’évoque vite fait le mini-jeu caché sur le circuit de course du prologue qui est sympatoche mais assez peu maniable (à la croix du moins, à l’analogique ça doit mieux passer), les passages en wagonnet où tel un Indiana Jones on devra franchir avec force courage et persévérance une mine en friche (une séquence qui à bien failli faire voler manette, console et écran de TV !)… et il y aurait bien d’autres détails à mettre en avant !


Les deux passages en wagonnet sont une épreuve pour les nerfs ! En plus d'avoir un Garian hideux...

Dark Savior est foisonnant, sans doute trop. À un moment donné il part tellement dans tout les sens que j’ai fini par m’y perdre et je crois même qu’il m’a agacé. C’est pour cela que je n’ai pas persévéré pour boucler le Parallel 4 (avec l’Action Replay je pouvais aisément bloquer le chronomètre horripilant) : j’en avais marre, tout simplement. Il était temps de passer à autre chose…


Il faut dire aussi que je me suis retapé une bonne dizaine de fois le premier ‘tiers du jeu’ sur 3 scénarios différents…

On aperçoit ici le fameux circuit de course qui dissimule un mini-jeu.

***

5 scénarios. Un système inédit de points. Une 3D isométrique légérement libérée de son carcan. Des combats en mode jeu de baston avec barres de vie et tout le tintouin. De très nombreux personnages secondaires qui d’un parallel à l’autre vont passer d’anecdotique à primordial. Du troc qui devient rapidement indispensable pour évoluer. Des phases de plateformes ignobles. Un humour parfaitement dosé. Deux phases en wagonnet à la limite de la torture psychologique. Des mini-jeux cachés. Etc etc etc etc… N’en jetez plus, la coupe est pleine.
Dark Savior est un jeu généreux qui à un peu trop tendance à s’éparpiller dans tous les sens. Ses très nombreuses mécaniques de gameplay lui octroient certes une richesse et une identité unique mais nuisent aussi à sa cohérence globale. Cela ne l’empêche en rien d’avoir un certain cachet mais disons qu’il faut arriver à le suivre, surtout quand il délaisse la simple traque d’un monstre ancestral pour partir sur de la science-fiction tarabiscotée. Le titre est aussi assez difficile et il faut s’accrocher pour y avancer et encore plus pour en voir le bout - c'est-à-dire la fin du Parallel IV. Ce dont je n’ai pas été capable, et ce sans même le regretter tant au bout d’un moment il devient lourd et surtout trop alambiqué. Néanmoins l’aventure est belle et suffisamment dépaysante pour qu’on y trouve du plaisir, surtout grâce à ses personnages hauts en couleur et leur dialogue parfois absurde qui prête à sourire. Je garderai de ce jeu un souvenir confus, entre séquences d’exploration plaisantes, phases de plateformes horribles et ses passages en wagonnet à se tailler les veines. Mais aussi une forme d’ambition narrative assez peu commune pour les jeux de l’époque. Un titre unique et curieux que je suis content d’avoir découvert mais sur lequel je sais je ne reviendrai pas…